Dépatrimonialiser les droits sociaux d’une entreprise familiale : voilà un affreux néologisme qui a au moins le mérite de traduire en un seul mot une réalité complexe qui conduit un individu à renoncer à transmettre son entreprise dans un cadre familial sans pour autant assumer l’idée d’une cession à un tiers.
Messieurs GATES et BUFFET ont, aux ETATS UNIS, montré le chemin, en transférant l’essentiel de leur fortune à une ou plusieurs fondations…
En FRANCE, ce schéma qui consiste à transférer par donation ou par legs les droits sociaux majoritaires détenus dans une entreprise à une fondation ou à un fond de dotation a déjà été pratiqué.
Il apparaît naturel en présence d’un entrepreneur sans enfant et sans héritier réservataire (on rappelle que le conjoint est réservataire de la succession lorsque le défunt ne laisse pas d’enfant) qui privilégie la pérennité de son entreprise à la recherche du profit tiré de la cession de cette dernière.
Mais, cette stratégie peut aussi être envisagée lorsqu’existent des héritiers réservataires, sous réserve que ceux-ci acceptent de renoncer à leurs droits successoraux dans la valeur des titres sociaux représentatifs de l’entreprise.
Dans l’hypothèse d’un entrepreneur, célibataire sans enfant, la donation ou le legs des droits sociaux à un fond de dotation est de nature à remplir plusieurs objectifs que l’on qualifiera de vertueux :
– Assurer à l’entreprise sociétaire une pérennité garantie par les statuts du fond au lieu et place d’une vente immédiate par les héritiers, plus motivés par l’esprit de lucre que sensibilisés au maintien des emplois dans leur bassin d’origine.
– Permettre au fond, à l’aide des dividendes distribués par l’entreprise, d’accomplir une œuvre d’intérêt général choisie par le dirigeant.
Une manière particulièrement élégante de réconcilier entreprise et philantropie.
Techniquement, un schéma de ce type rend nécessaire la mise en place d’une holding passive servant de sas entre la société opérationnelle et le fond de dotation.
Il n’est pas, en effet, de la compétence des fonds de dotation de gérer les entreprises.
Fiscalement, l’opération de « dépatrimonialisation » est totalement exonérée de droits de mutation à titre gratuit.
Reste l’hypothèse, où existe un ou plusieurs héritiers réservataires.
Rien ne peut, au-delà de la quotité disponible, être envisagé sans leur(s) accord(s).
Ce dernier doit prendre la forme d’une renonciation à l’action en réduction (RAAR), rendue possible par le législateur depuis le 1er janvier 2007.
D’aucuns prétendront que l’hypothèse est d’école et que, ce type de scénario n’a aucune chance de se réaliser.
Qu’ils se détrompent ! L’auteur de ces lignes a déjà eu l’occasion de faire signer près d’une dizaine de RARR depuis son entrée en vigueur.
La très forte personnalité des chefs d’entreprise n’est pas étrangère à ce succès relatif, surtout si les actifs patrimoniaux extérieurs à l’entreprise sont susceptibles de mettre les héritiers à l’abri du besoin. L’altruisme débridé a quand même ses limites…
Source : article paru dans le Journal Les Echos le 2 décembre 2010
Le modèle d’entreprise familiale est très vertueux, car il favorise l’ancrage dans les territoires et une gestion sur le long terme.
Selon les huit membres du Cercle des fiscalistes, présidé par Philippe Bruneau, les propositions avancées pour augmenter la fiscalité en France sont spécieuses et dangereuses, car, expliquent-ils, dans une tribune au « Monde », cela conduirait à détruire les entreprises familiales.
Les transmissions familiales d’entreprises sont beaucoup moins fréquentes en France qu’en Allemagne. Pour les favoriser et assurer une continuité, il faut résoudre l’instabilité chronique du régime fiscal français et maintenir le pacte Dutreil, estiment ces membres du Cercle des fiscalistes.
Mis en place le 1er août 2003 et amélioré au fil des ans par plusieurs réformes successives, le régime du Pacte Dutreil est un régime fiscal intéressant pour les dirigeants souhaitant transmettre leur outil professionnel à leurs enfants pour favoriser la pérennité d’entreprises familiales. Il permet, sous réserve d’un engagement de conservation des titres et en respectant un certain nombre de conditions, d’exonérer de droits de mutation à titre gratuit à concurrence des trois-quarts de la valeur de l’entreprise transmise par donation ou succession, que cette transmission soit réalisée en pleine propriété ou avec réserve d’usufruit.