Article paru dans Le Monde du 7 juin 2017
La Révolution française a mis fin aux privilèges fiscaux et a promu l’égalité devant la loi comme une valeur suprême de la République. C’est pourquoi le principe d’universalité de l’impôt figure parmi les principes fondateurs de la Déclaration des Droits de l’Homme.
Avec la forte poussée de l’individualisme des années 1980 sont apparues des revendications de différents corporatismes dans le but d’obtenir des privilèges fiscaux sectoriels (DOM-TOM, industrie cinématographique…). Notre fiscalité est alors devenue un patchwork, une juxtaposition de statuts fiscaux avec leurs propres prélèvements, un peu comme au Moyen-âge, période où le corporatisme était la règle, une société percluse d’inégalités, de régimes de faveur et de passe-droit qui la rendent difficilement réformable, sauf dans la douleur.
C’est dans ce paysage fiscal, et alors que seuls 45 % des contribuables paient l’Impôt sur le revenu, que l’idée d’exonérer de taxe d’habitation 80 % des Français fait son chemin. Mais la mise en œuvre de cette mesure se heurte à deux écueils. Si l’allégement est accordé en fonction du niveau du revenu, l’occupant d’un logement spacieux et confortable bénéficiera à revenu égal d’un plus gros avantage que celui qui occupe dans la même commune un petit logement sans confort, ce qui ne serait pas équitable. Si l’on déclare la taxe injuste et incohérente pour 80 % des Français, on ne voit pas pourquoi elle ne le serait pas pour les 20 % restants. Et à quoi rime un impôt qui n’est plus payé par 80 % des citoyens d’un pays ?
Le Gouvernement serait bien avisé d’avoir cette problématique à l’esprit. Le cas échéant, le Conseil Constitutionnel pourrait se rappeler à son bon souvenir comme il l’a fait le 29 décembre 2009 en déclarant la taxe carbone inconstitutionnelle eu égard notamment au fait que 93 % des entreprises émettrices de CO2 en étaient exonérées. La Haute Cour avait alors jugé que ce régime d’exemption créait une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques.
Une récente étude de l’Institut des politiques publiques nous apprend que les 0,1 % des Français les plus riches, les 378 foyers fiscaux versant les plus fortes contributions, seraient imposés sur leurs revenus au taux dérisoire de 2 %. Estimation surprenante, étant donné que le taux de l’impôt progressif culmine à 49 % dans la catégorie visée.
ans un rapport remis au gouvernement, un économiste préconise de financer la transition écologique par un impôt temporaire sur le modèle de l’ISF. Philippe Bruneau et Jean-Yves Mercier analysent les conséquences d’une telle mesure.
Les fiscalistes Philippe Bruneau et Jean-Yves Mercier examinent, dans une tribune au « Monde », une série de propositions en matière fiscale faites par les candidats à l’élection présidentielle et constatent que leur faisabilité juridique se heurte aux règles constitutionnelles françaises.