La crise n’est pas finie. Elle ne fait même que commencer. Et si à ce jour, on ne sait toujours pas ni quand, ni comment nous en sortirons, il semble acquis qu’elle n’est pas conjoncturelle, mais bien structurelle, en ce sens où nous assistons à un changement de paradigme économique jusqu’ici fondé sur la dette.
Pour le moment, le débat est donc entre les mains des économistes. Il consiste à recréer au plus vite les conditions d’une croissance auto-entretenue. Mais demain, une fois la croissance revenue, il se déplacera sur le terrain fiscal. Il conviendra alors de remédier à la fois à la situation délicate de nos finances publiques et à la cause première de la crise que nous traversons : le creusement des inégalités au cours des trente dernières années. C’est pourquoi la question de la hausse des impôts et de la redistribution des richesses recrées sont à l’ordre du jour. Si nous ajoutons à cela que notre système fiscal est à bout de souffle, qu’il a eu ses vertus, à une époque où il s’inscrivait dans une conjoncture, un cycle, un mouvement devenus obsolètes, alors oui une réforme fiscale est nécessaire. Et la sortie de crise sera le bon moment pour la réaliser.
Chacun s’accorde à penser que pour être légitime aux yeux des citoyens, un système fiscal moderne doit reposer sur un tryptique : il doit être efficace (procurer des recettes à l’Etat), équitable (consolider le contrat social), et simple (être compréhensible par tous). Si on soumet notre fiscalité du patrimoine (impôt sur le revenu, ISF et droits de succession) à ces trois filtres, on constate à quel point elle dévalorise le travail, l’égalité des chances et donc le mérite. Et cela malgré les discours élégiaques de nos hommes politiques, de droite comme de gauche. En un mot, notre système fiscal marche sur la tête !
L’impôt sur le revenu ? Avec une assiette étroite essentiellement concentrée sur le travail, des taux relativement élevés, le tout truffé d’exonérations en tout genre, les célèbres niches fiscales, il ressemble à un gruyère dont les trous seraient plus importants que la matière consommable ! Résultat, il ne rapporte que 55 milliards d’euros, soit à peine 20% des recettes de l’Etat. Pour beaucoup, son avenir passe par une fusion avec la CSG.
L’ISF ? Tout a été dit sur cette vache sacrée, ce totem devant lequel on se prosterne une fois l’an. Mal conçu, symbolique, inéquitable, parfois confiscatoire, peu rentable, il est une spécificité française entre les mains des politiques. Et du même coup, il abandonne le terrain du débat rationnel pour aborder celui du débat passionnel. In fine, il comble d’aise ceux qui pensent encore que l’impôt doit avoir un caractère punitif.
Les droits de succession ? D’une efficacité faible, surtout depuis la loi TEPA qui exonère d’impôt 95 % des successions, ils ne sont équitables ni en matière civile, où l’égalité prime sur l’équité et la liberté de tester, ni en matière fiscale, où ils sont le reflet d’une société plus conservatrice que libérale.
Last but not least, le dernier dénominateur commun à nos trois impôts est certainement leur complexité qui les rend de moins en moins légitimes aux yeux des contribuables. A telle enseigne que notre système fiscal est devenu au fil du temps un mille-feuille fiscal, c’est-à-dire une superposition de réformes sans cohérence d’ensemble.
Répétons-le, la sortie de crise sera certainement le bon moment pour procéder à une réforme fiscale. Mais à trois conditions. D’abord, bien attendre le moment de la sortie de crise afin de ne pas tuer la reprise dans l’oeuf ; ensuite, bien identifier les causes de la crise afin de bien cibler la réforme ; enfin, attendre de connaître les modalités de sortie de crise (croissance, inflation, taux d’intérêt…)
Les décisions qui seront prises en la matière façonneront la France des trente prochaines années. Toute erreur de diagnostic coûterait donc cher. Il est urgent de réfléchir à une réforme fiscale. Mais encore trop tôt pour la mettre en œuvre.
Source : Les Echos, le 28 décembre 2009
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