A la lecture du projet de loi de finances pour 2012, les buveurs d’eau tiède devraient être ravis. Rédigé sous la surveillance des marchés et la contrainte de conserver à tout prix la notation AAA de l’Etat français, ce projet arrive un mois après le rapport de l’Inspection générales des finances (IGF) sur l’évaluation des niches fiscales et sociales selon lequel la France compte quelque 500 niches représentant 100 milliards d’euros ? dont la moitié est peu ou pas efficient. C’est dire les marges de manœuvre dont disposait le gouvernement lors de la rédaction de son budget.
Au lieu de cela, son texte aboutit en matière patrimoniale à une imposition supplémentaire des ménages de l’ordre de 11 milliards d’euros. Et pour atteindre ce chiffre, il égrène quelques mesures sans réelle cohérence ni vision stratégique. Parmi celles-ci, il semble acquis que 13 niches fiscales déjà rabotées en 2011 le seront de nouveau en 2012 à hauteur de 10 %. Tout cela pour un rendement attendu de 340 millions alors que le seul coût des niches fiscales liées au patrimoine avoisine les 18 milliards.
Sur le fond, réduire l’impact des niches fiscales est une bonne chose. Cela participe à la restauration de l’équilibre des finances publiques sans aggraver le ralentissement économique en cours. Crées pour orienter une partie de l’épargne des ménages les plus aisés vers des secteurs d’activité où elle n’irait pas sans incitation fiscale (DOM-TOM, cinéma, forêts…), le poids des niches a littéralement explosé depuis une dizaine d’années lorsque le gouvernement a choisi de geler les dépenses publiques. Elles devenaient alors un moyen astucieux d’octroyer une subvention et participaient en outre à rendre notre système fiscal totalement illisible et inéquitable.
Une fois de plus, la solution n’est pas dans le rabotage, mais dans la suppression pure et simple des niches fiscales à intérêt social non avéré. Une niche est bonne pour notre société ou ne l’est pas. Il n’y a pas de demi-mesure. Outre une augmentation substantielle des recettes fiscales, une telle mesure réduirait les incitations pour les contribuables à devenir éligibles à tel ou tel dispositif pour contourner l’impôt. Cela passe non pas par la réduction du montant de chaque niche mais par la réduction du nombre de niches. Espérons que le prochain gouvernement, quelque soit sa couleur, aura le courage politique de s’y atteler.
Source : Article paru dans « Le Monde » du 12 octobre 2011
Une niche fiscale correspond à tout dispositif dérogatoire du Code général des impôts induisant une perte de recettes pour le Trésor. Elle a donc les mêmes conséquences sur l’équilibre de nos comptes publics qu’une dépense budgétaire. Aussi, par symétrie, est-elle juridiquement désignée par le curieux oxymore de « dépense fiscale »…
Pour Philippe Bruneau, les niches fiscales créent une fiscalité moyenâgeuse et corporatiste, très éloignée de l’idée d’universalité de l’impôt.
Pour la première fois sous la cinquième république, un Président va être élu sur la base…