Nos décideurs politiques se préoccupent d’aplanir les difficultés que pose la mobilité internationale des acteurs économiques

Publié le 11/12/2018

Article paru sur lemonde.fr le 11/12/2018

C’est un progrès majeur, le contexte de la mondialisation pousse aujourd’hui nos décideurs politiques à faire disparaître progressivement de notre arsenal fiscal les obstacles qui se dressent sur le parcours des personnes qui vont tenter leurs chances à l’étranger, que ce soit pour y occuper un emploi salarié ou pour y entreprendre, ou, à l’inverse, décident aux mêmes fins de se fixer en France. Pour les contribuables partants de France, la sollicitude du législateur se manifeste sur trois fronts.

  • Le passage au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu

Sauf rares exceptions, les pays dans lesquels viennent s’établir les contribuables français pratiquent le paiement à la source de l’impôt sur le revenu (IR). Jusqu’à présent, ceux-ci subissaient ainsi, dès leur arrivée, l’amputation immédiate par l’impôt de la rémunération perçue dans le pays d’accueil alors qu’ils avaient encore à faire face simultanément au paiement de l’impôt sur la rémunération de leur dernière année d’activité française.

Un contribuable parti de France le 1er janvier 2018 a dû supporter courant 2018 une double ponction : celle du Trésor français au titre de l’IR grevant son revenu 2017 et celle du Trésor de l’Etat d’accueil au titre de son revenu 2018.

Passage au prélèvement à la source

 

La personne qui part ces jours-ci après s’être libérée de l’impôt sur son revenu 2017 est soulagée de toute dette d’impôt envers le Trésor français sur la rémunération qu’elle a perçue en 2018. En effet, le passage au prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu, qui devient effectif le 1er janvier 2019, s’accompagne de l’allocation d’un crédit d’impôt qui effacera l’impôt afférent à la rémunération 2018. En régime de croisière (départs postérieurs à 2019), le passage à l’étranger restera indolore étant donné que le contribuable partant se sera libéré au fil de l’eau de l’impôt français.

  • Le traitement de la plus-value de cession de la résidence principale

La réglementation actuelle crée une différence de traitement entre les personnes domiciliées en France qui cèdent leur résidence principale, bénéficiaires d’une exonération intégrale de leur plus-value, et les personnes domiciliées à l’étranger qui cèdent leur résidence en France, auxquelles l’exonération n’est accordée qu’à hauteur de la fraction de leur plus-value n’excédant pas 150 000 euros.

Par sa décision 2017-668 de la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) du 27 octobre 2017, le Conseil constitutionnel a jugé que cette différence de traitement n’est pas contraire à la Constitution car ces personnes sont placées dans des situations différentes.

Le cas de l’habitation principale

Un autre contribuable a été plus heureux dans sa démarche. Il s’agit d’un salarié qui, ayant été muté en Chine par son entreprise le 1er juin 2013, n’a pu signer la vente de son habitation principale que le 21 février 2014. Il s’est plaint que l’administration n’ait accepté d’appliquer à sa plus-value de cession que l’exonération plafonnée à 150 000 euros prévue pour les non-résidents. Sur le fondement de la liberté de circulation des capitaux garantie par le Traité de l’Union européenne, le Tribunal administratif de Versailles (jugement du 26 juin 2018) a fait droit à la demande d’exonération intégrale de sa plus-value.

Ce jugement a pour heureuse conséquence le vote par l’Assemblée nationale, avec l’assentiment du gouvernement, d’un amendement qui octroie au contribuable devenu non-résident l’exonération totale de la plus-value sur sa résidence principale sous deux conditions : la cession doit être réalisée au plus tard le 31 décembre de l’année qui suit celle du transfert du domicile à l’étranger et le logement doit être resté sans occupant (même à titre gratuit) jusqu’à la date de sa cession.

  • L’assouplissement de l’exit tax

Lorsqu’ils transfèrent leur domicile fiscal à l’étranger, les détenteurs d’un portefeuille d’au moins 800 000 euros sont soumis à l’impôt (IR + prélèvements sociaux) sur les plus-values latentes que comportent leurs titres et sont ainsi traités de la même façon que s’ils avaient cédé ces titres à la veille de leur départ. Cette imposition est mise en sursis aussi longtemps que le contribuable s’abstient de céder ses titres. Mais, sauf réinstallation en France, il n’en obtient effectivement la remise qu’en justifiant avoir conservé pendant quinze ans les titres en cause. Une durée qui va bien au-delà de ce qui est nécessaire pour s’assurer que le contribuable n’a pas quitté la France pour dédouaner ses plus-values.

On apprécie donc que le gouvernement ait spontanément proposé au Parlement de réduire cette contrainte de conservation à deux ans pour les départs postérieurs au 31 décembre 2018. Après le vote de l’Assemblée nationale, se préfigure malgré tout la résurgence d’un délai de cinq ans pour les détenteurs d’un patrimoine d’au moins 2,57 millions d’euros. La situation s’en trouvera néanmoins nettement améliorée.

Personnes détachées en France

 

Pour les contribuables entrants, beaucoup a déjà été fait pour que la France offre un cadre fiscal propice à l’installation de salariés ou dirigeants détachés dans notre pays par une entreprise étrangère. Les intéressés bénéficient pendant huit ans d’une exonération sur les suppléments de rémunération liés à leur établissement en France, tels que les indemnités compensatrices du coût du logement et du différentiel de pression fiscale et sociale. S’y ajoutent pendant la même durée une exonération de 50 % de leurs revenus passifs de source étrangère (dividendes, intérêts et plus-values de cession du portefeuille étranger) et une exonération de l’impôt sur la fortune immobilière sur la valeur des immeubles détenus hors de France.

Restait en particulier à régler le sort de ceux qui, en leur qualité de membres d’une société de gestion de sociétés ou fonds d’investissement, ont acquis à raison de leurs fonctions dans leur pays d’origine des parts ou actions de « carried interest », c’est-à-dire une fraction des profits issus des placements opérés par l’organisme qu’ils gèrent. Les députés viennent d’adopter un amendement destiné à soumettre les profits correspondants au même régime que celui accordé aux membres des sociétés de gestion établies en France, à savoir l’application de la « flat tax » de 30 %.

Comme on peut le constater, nos décideurs politiques, et c’est heureux, se préoccupent d’aplanir les difficultés que pose la mobilité internationale des acteurs économiques.

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