Rémy Gentilhomme, notaire associé, membre du Cercle des fiscalistes rappelle que le code civil définit le présent d’usage.
Publié dans Le Monde, le 09/12/2021.
La dimension séculière de Noël, dont les marchands du temple ont déjà appelé le prochain avènement, trouve son expression la plus tangible dans la profusion des gratifications en tout genre qui l’accompagne. La France est un pays où les actes les plus banals, comme celui qui consiste à offrir un cadeau à une autre personne, sont soumis au questionnement de la taxation éventuelle.
Heureusement, le législateur civil, soucieux de ne pas multiplier les contentieux successoraux, exclut du mécanisme de règlement successoral « les frais de nourriture, d’entretien, d’éducation, d’apprentissage, les frais ordinaires d’équipement, ceux de noces et… les présents d’usage », qui n’ont pas à être rapportés à la succession de celui ou celle qui les a financés par celui ou celle qui en a bénéficié.
Par suite de l’étroite filiation qu’entretient le rapport fiscal des donations (article 784 du code général des impôts) avec leur rapport civil (article 852 du code civil), il est admis que les présents d’usage, et notamment ceux qui portent sur des sommes d’argent, demeurent exonérés des droits de mutation à titre gratuit. L’article 852 du code civil, qui constitue donc la référence incontournable, ajoute, à propos des présents d’usage, deux précieuses précisions : le cadeau s’apprécie à la date où il est consenti et compte tenu de la fortune de celui ou celle qui l’a offert.
Plus on est riche, plus les cadeaux que l’on offre peuvent être importants. Mais l’appréciation de la proportionnalité par rapport au patrimoine du disposant demeure « une question de fait », soumise à la souveraine appréciation des juges du fond. Il ne peut, dès lors, y avoir de critères normatifs prédéfinis (à l’instar d’un plafond qui serait fixé à 2 % des revenus du disposant, par exemple) comme certains ont pu le croire.
Dans une réponse ministérielle à madame la députée Annaïg Le Meur (LRM) du 31 décembre 2019, l’administration fiscale a cru bon de préciser que ces critères normatifs, s’ils étaient admis, heurteraient frontalement le principe d’égalité devant l’impôt. Rien n’est moins sûr, car le principe de proportionnalité demeure, qu’on le veuille ou qu’on le déplore, inscrit dans la loi civile et son maintien n’apparaît guère douteux, tant il est vrai que son fondement est marqué au coin du bon sens.
Le présent d’usage suppose, comme le don manuel, une remise de la main à la main. Cette remise que les juristes appellent « tradition » (du latin tradere qui veut dire « transmettre ») est entendue assez largement en jurisprudence. La tradition peut s’effectuer par la remise d’un chèque, voir par l’effet d’un virement bancaire et, bien entendu, par la remise d’espèces.
Mais le présent d’usage doit trouver son origine à l’occasion d’un événement dont il doit être contemporain : Noël pour les chrétiens, le jour de l’An, un anniversaire, un mariage, etc. Il est donc essentiel de le documenter en conservant, sur le talon de chèque ou sur l’ordre de virement donné au banquier, la trace et donc la preuve de son origine. Les présents effectués en espèces requièrent la rédaction d’un écrit daté et signé par le disposant, conservé au dossier comme moyen de preuve.
Quant au montant maximum qui peut être donné, le présent d’usage suppose une prise de risque… calculé. Soumis au pouvoir souverain du juge, le plafond qu’il convient de ne pas dépasser est par hypothèse incertain puisqu’un juge pourra trouver excessif ce qu’un autre jugera acceptable… Le revenu fiscal de référence du contribuable, joint à un état estimatif de son patrimoine, pourra être utilement invoqué en cas de contentieux avec l’administration fiscale.
Il n’est pas inutile de rappeler que c’est le gratifié qui subira, en cas d’excès, les foudres de l’administration car le présent d’usage, requalifié en don manuel taxable, l’est sur la tête du bénéficiaire. N’est-il pas étonnant de constater qu’en cas de redressement victorieux, l’Etat français recevra la quote-part d’un don qui ne lui était pas destiné, au détriment d’un gratifié qui, par hypothèse, n’attendait rien du disposant ?
Rémy Gentilhomme (Notaire associé, membre du Cercle des fiscalistes).
Le choix du placement qui accueillera des actifs financiers faisant l’objet d’un démembrement est essentiel et la fiscalité n’est pas le seul critère à considérer.
« Pour les parents, laisser un héritage à ses enfants consiste à arbitrer entre consommation personnelle et transmission familiale », estiment Jérôme Bernecoli et Frédéric Poilpré. Dans une chronique du Point publiée le 20 mai, Julien Damon propose de taxer les héritiers plutôt que l’héritage au soutien de la thèse selon laquelle il est économiquement plus avantageux d’hériter que de travailler, oubliant que les Français sont majoritairement contre l’impôt sur la mort.
Aux termes de notre législation fiscale, chaque parent peut donner – en sommes d’argent, biens (meubles, voiture, bijoux, etc.), immeubles, ou valeurs mobilières (actions, parts sociales, etc.) – jusqu’à 100.000 euros par enfant sans qu’il y ait de droits de donation à régler. Ainsi, un couple peut-il transmettre à chacun de ses enfants 200.000 euros exonérés de droits tous les quinze ans.