L’assurance-vie, un paradis fiscal très français

Publié le 23/02/2024

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« Faisons un rêve » : vous venez de percevoir 100 millions d’euros. La « tentation de Bruxelles » est naturelle, presque un must. La jurisprudence de notre Conseil constitutionnel vous offre une heureuse alternative. Ainsi pourriez-vous continuer à résider en France et acquérir un hôtel particulier, villa Montmorency, pour 20 millions d’euros. Vous partagerez « le reste de votre âge » entre une bastide dans le Midi et un chalet à Val-d’Isère, achetés 10 millions d’euros chacun…

 

Publié dans Le Point – SPÉCIAL PLACEMENTS, par Phillippe Baillot

Quant au reste de votre capital, vous ne manquerez pas de l’investir en assurance-vie. La pertinence de ce choix découlera de l’allocation d’actifs retenue, exempte de tout fonds en euros aux charmes révolus. Elle s’observera surtout à la souscription. Il vous faudra opter, non pas pour un contrat multisupport unique, mais pour soixante contrats en unités de compte, aux logiques financières complémentaires et pures (actions américaines, fonds émergents, private equity…).

Optimisation du « plafonnement fiscal » 

Au terme de la première année, votre patrimoine se sera normalement valorisé, dans un monde globalisé en croissance… Pour autant, au moins une des « soixante lignes » d’investissement ne saurait manquer d’être perdante et il en ira statistiquement de même pendant les dix ou quinze années suivantes. Il vous reviendra alors de racheter le contrat exempt de tout gain pour financer votre train de vie annuel, par hypothèse de 1 million d’euros, tant le temps libre s’avère dispendieux.

Pour autant, vous n’aurez guère à vous inquiéter des prélèvements directs exigibles sur le « commun ». En effet, votre nouvelle organisation patrimoniale vous offre les clés d’une optimisation du « plafonnement fiscal ». Son équation est fort simple à appréhender : l’addition de votre impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux et de l’impôt sur la fortune immobilière (l’IFI) ne saurait dépasser 75 % de vos revenus, sauf à revêtir un caractère confiscatoire, au sens de l’article 13 de notre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Or, par hypothèse, le rachat d’un contrat d’assurance-vie exempt de tout « produit » ne génère aucune assiette d’imposition, tant au titre de l’impôt sur le revenu que des contributions sociales. Aussi, en l’absence de tout revenu, vos impôts directs – IFI compris – s’élèveront-ils à zéro !
L’assurance-vie vous ouvre ainsi les portes d’un paradis fiscal au cœur du pays champion du monde des prélèvements obligatoires. Cette contradiction apparente découle simplement de la multiplication des contributions directes prévues par notre législation (IR, CSG, impôts sur le patrimoine…) et de leurs taux, sans équivalent dans le monde.

Nouvelle usine à gaz 

Par suite, notre juge constitutionnel a posé la nécessité d’un « plafonnement fiscal ». Pour faire simple, les prélèvements directs ne sauraient dépasser 75 % des facultés contributives réelles du contribuable. Ces facultés correspondent aux seuls revenus effectivement disponibles, en l’absence donc de toute prise en compte des plus-values latentes, dividendes non distribués, revalorisation des contrats d’assurance-vie non rachetés…
Naturellement, les services de Bercy rêvent d’inclure ces revenus latents ou incertains pour minorer drastiquement les charmes du « plafonnement fiscal » et accroître encore les recettes du Trésor. Leur réelle créativité les conduit même à imaginer, à cette fin, une nouvelle usine à gaz : assortir leur intégration pour le calcul du plafonnement d’un dispositif de régularisation permettant au contribuable de récupérer l’éventuel trop-versé, s’il s’avérait, lors de la perception effective des revenus en cause, que leur montant est plus faible que ce qui avait été pris en compte…
Pour autant, la sagesse des membres de notre Conseil constitutionnel interdit l’assouvissement d’une telle pulsion. Ainsi notre excès de prélèvements obligatoires débouche-t-il sur la création d’un paradis fiscal sans égal : une nouvelle illustration du « en même temps ».
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