Article paru dans La Revue fiscale du patrimoine
Rép.min.n° 16264 : JOAN 18 juin 2019,p.5545 – Rép.min. n° 9965 : JO Sénat 13 juin 2019, p. 3070 – Rép. min. n° 17239 : JOAN 18 juin 2019, p. 5546
Plusieurs réponses ministérielles relatives au nouveau dispositif d’abus de droit de l’article L. 64 A du LPF viennent d’être publiées (Rép. min. n° 16264 : JOAN 18 juin 2019, p. 5545, T. Degois. Rép. min. n° 9965 : JO Sénat 13 juin 2019, p. 3070, C. Procaccia. Rép. min. n° 17239, JOAN 18 juin 2019, p. 5546, É. Straumann, ces deux dernières formulées dans les mêmes termes).
Si le ton employé se veut globalement rassurant, les informations qu’elles contiennent le sont moins.
La seule opération concrètement visée, et « sanctuarisée », réside dans le recours au démembrement de propriété dans les opé-rations de transmission de patrimoine. Le ministre rappelle q’il est encouragé par le législateur dans le cadre de l’article 669 du CGI, qui fixe le barème des valeurs de l’usu-fruit et de la nue propriété, et de l’article 1133 du CGI, qui exonère la réunion (sic !) de l’usufruit à la nue-propriété. Mais il ne s’agit là que de la reprise d’une information presse du ministère de l’Action et des Comptes publics du 19 janvier 2019 (V. RFP 2019, alerte 21). Et cette analyse rassu-rante ne semble concerner que la recherche par le redevable, à travers la donation dé-membrée, d’un avantage au regard des droits de mutation à titre gratuit. Quid en revanche si l’objectif de la donation avec réserve d’usufruit est de réduire les plus-values dans le cadre d’une opération de donation/cession ? L’Administration a déjà tenté par le passé de remettre en cause à de multiples reprises de telles opérations au titre de l’abus de droit traditionnel, même si elle y a échoué jusqu’à présent, dans la mesure où la jurisprudence refuse d’envisager qu’une donation réelle et effective puisse avoir un but exclusivement fiscal (CE 30 déc. 2011, n° 330940, Motte-Sauvaige : JurisData n° 2011-031693 ; JCP N 25012, n° 51-52, 1423, note J.-P. Garçon) .
Espérons que si de nouvelles tentatives devaient avoir lieu à l’avenir, cette jurisprudence se maintiendrait au regard du but principalement fiscal.
De façon plus générale, ces réponses annoncent aussi que l’Administration appliquera de manière mesurée le nouveau dispositif, à compter de 2021, sans chercher
à déstabiliser les stratégies patrimoniales des redevables. Nous en donnons acte au ministre, bien que l’affirmation puisse étonner. Un vérificateur qui estimera lors d’un contrôle que les conditions de l’abus de droit de l’article L. 64 A du LPF sont caractérisées, pourra t-il juridiquement renoncer à le mettre en œuvre en faisant preuve d’esprit de « mesure » ? S’en remettre à l’appréciation discrétionnaire des vérificateurs ne risque t-il pas également de conduire à des inégalités de traitement entre redevables se trouvant dans des situations identiques ? Les réponses ministérielles indiquent enfin que des précisions sur les modalités d’application de l’article L. 64 A du LPF devraient être prochainement apportées en concertation avec les professionnels du droit concernés. Mais la réponse Degois annonce qu’il ne sera pas possible à l’Administration de définir par avance et de façon générale quels types d’actes sont susceptibles d’être principalement motivés par des considérations fiscales. Effectivement, le critère reposant sur le but principalement fiscal, éminemment subjectif par nature, ne paraît pas permettre de procéder à une telle typologie.
Seul le second critère de l’abus de droit par fraude à la loi, résidant dans la recherche par le redevable de l’application d’un texte en contrariété avec l’objectif recherché par son auteur, pourrait le cas échéant permettre de définir par avance des catégories d’opérations qui échapperaient au nouvel abus de droit, au motif qu’elles pourraient être considérées comme étant par nature toujours en harmonie avec l’objectif de la loi. L’analyse relative de la donation avec réserve d’usufruit citée ci-dessus procède d’une démarche de cette nature. Mais pour ce faire encore faudrait-il que l’intention de l’auteur des textes puisse être aisément découverte ce qui n’est pas toujours le cas [les travaux parlementaires des textes législatifs ne sont pas tous explicites également, et si l’abus de droit peut concerner l’application d’un commentaire administratif comme l’a jugé récemment la cour administrative d’appel de Paris le 20 décembre 2018 (n° 17PA00747 : JurisData n° 2018-
023265), il paraît même impossible d’espérer pouvoir découvrir l’intention du rédacteur de ce dernier].
L’Administration ne souhaite donc pas s’engager dans la voie d’une tentative de catégorisation des opérations se trouvant situées par principe hors du champ du dispositif.
La solution préconisée par le ministre consiste donc à inviter le redevable à privilégier la demande de rescrits préalables, comme cela était prévisible… Compte tenu du délai de réponse maximum (six mois), il paraît d’ores et déjà nécessaire d’y penser pour les opérations devant être réalisées en début d’année 2020.
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