L’absence actuelle de toute prise en compte par l’Insee de la valeur patrimoniale des droits sociaux introduit un biais majeur dans la présentation des inégalités de patrimoine en France, indique Philippe Baillot, enseignant à Paris-II-Panthéon-Assas, expert en fiscalité, membre du Cercle des fiscalistes.
La passion française pour l’égalité joue un rôle central dans nos politiques publiques. De plus en plus souvent, elle conduit même les tenants de l’égalitarisme à privilégier l’écrêtage de la richesse à la lutte contre la pauvreté. La prédilection, très française, pour une imposition du patrimoine relève clairement de cette approche.
Les derniers travaux de l’Insee sur les inégalités réelles de niveau de vie sont à cet égard exceptionnellement éclairants. Ainsi, en observant l’impact sur les revenus primaires des ménages non plus des seuls prélèvements obligatoires, des prestations sociales monétaires et des retraites, mais aussi des transferts en nature (à l’image de l’éducation, la santé ou le logement), la France constitue une des sociétés les plus égalitaires du monde.
En effet, « le revenu primaire élargi moyen des 10 % des individus les plus aisés est 13 fois plus élevé que celui des 10% des individus les plus modestes. Ce rapport est ramené à 7 sur le niveau de vie usuelle, puis à 3 sur le niveau de vie élargi ».
Le caractère redistributif du système socio-fiscal français provient pour l’essentiel (à hauteur de 50 % !) des transferts en nature susvisés.
Ces travaux de l’Insee auraient dû mettre un terme au débat récurrent sur le caractère inégalitaire et « néolibéral » d’une société française qui voit sa dépense publique dépasser 58 % de son produit intérieur brut ! Naturellement, ces constats scientifiques ne feront rien à l’affaire tant il n’est de pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.
Certains observateurs abandonnent cependant le plan des revenus pour porter leur critique sur l’inégalité des patrimoines. A cet égard, I’Insee observe, en effet, que « les 10 % des ménages les mieux dotés en patrimoine brut disposent d’au moins 716.300 euros d’actifs, alors que les 10 % les moins dotés possèdent au maximum 4.400 euros, soit 163 fois moins »!
» Le choix des français de régimes de retraite par répartition ne saurait ôter toute valeur patrimoniale aux droits acquis en leur sein. »
Or cette donnée n’appelle-t-elle pas exactement les mêmes corrections que les études antérieures de l’Insee sur les inégalités de niveau de vie au sein de notre société, avant l’intégration récente des transferts en nature ?
En effet, I’Insee pose que « le patrimoine brut est le montant total des actifs détenus par un ménage, c’est-à-dire l’ensemble des biens lui permettant de disposer de ressources futures ». Or, pour les ménages les plus modestes, leurs sources de revenus futurs relèvent pour l’essentiel de la sphère sociale. L’absence de leur prise en compte introduit un biais majeur dans notre débat public.
À titre de simple illustration, le droit à une pension mensuelle de 1.000 euros à 64 ans représente l’équivalent d’un capital supérieur à 360.000 euros. Or, fin 2021. 17 millions de retraités percevaient, souvent depuis bien avant leur 64ème anniversaire, une pension mensuelle moyenne de 1.53l euros bruts. Le choix français de régimes de retraite par répartition, et non de régimes en capitalisation, ne saurait ôter toute valeur patrimoniale aux droits acquis en leur sein, au contraire de la présentation actuelle de l’Insee.
Dans la même logique, le droit à une couverture maladie universelle, par exemple, a une valeur patrimoniale majeure et extraordinairement croissante avec l’âge. La seule difficulté à appréhender et valoriser de tels droits ne saurait durablement justifier de complètement les ignorer. L’éventuelle cohérence de nos politiques publiques et, en premier lieu, de notre fiscalité sur le patrimoine en dépend clairement.
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