Plusieurs mécanismes largement ignorés viennent alléger les droits à payer au moment d’un décès, explique dans sa chronique Bernard Monassier, vice-président du Cercle des fiscalistes.
Selon certains économistes, la France bénéficierait d’un régime fiscal très favorable en matière de succession ; analyse qui n’est pas partagée par nos concitoyens. La fiscalité des successions est relativement complexe et cela explique peut-être cette perception différente selon les interlocuteurs. Il existe, en effet, quelques mesures très favorables aux contribuables ; mesures parfois oubliées et qui pourraient faire penser que la France est un paradis fiscal.
Prenons quelques cas de figure simples, mais très fréquents.
Il arrive, souvent, qu’avec l’âge le conjoint survivant dans un couple n’ait pas pu rester seul à son domicile. Il a dû s’installer dans un établissement d’hébergement pour personnes dépendantes. Cette installation entraîne obligatoirement un coût financier important même si une partie des frais peut être éventuellement prise en charge par le versement de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
De nombreuses personnes hébergées dans ces établissements sont des retraités n’ayant aucune autre ressource que leur pension de retraite versée mensuellement ou trimestriellement. Chaque année, elles reçoivent leurs déclarations d’impôt pré-imprimées ; elles n’ont strictement rien à compléter : le prélèvement à la source sur leur pension se fera automatiquement.
Aussi, oublient-elles fréquemment qu’elles ont droit à une réduction d’impôt égale à 25 % des dépenses d’hébergement en établissement spécialisé après déductions éventuelles de l’APA, dans la limite de 10 000 euros par an.
Lors de leurs décès, leurs héritiers découvrent fréquemment que cet avantage fiscal n’a jamais été demandé par le défunt. Il faut savoir que, dans la limite de la prescription fiscale – c’est-à-dire les trois dernières déclarations qui ont précédé le décès –, les héritiers ont la possibilité de faire une déclaration rectificative afin de récupérer cette somme de 10 000 euros annuels, soit 30 000 euros sur les trois ans.
Cela constituera un actif complémentaire de la succession et pourra être assujetti aux droits de succession si le montant total cumulé de l’actif dépasse les franchises existant pour les successions entre parents et enfants.
Il existe par ailleurs d’autres faveurs fiscales largement ignorées. Ainsi, lors de la disparition de l’un des parents, le plus souvent, le conjoint survivant bénéficie d’un usufruit sur tout l’héritage pour sa vie durant. Lors de la disparition du conjoint survivant, on constate que, pour différentes raisons, ce dernier a utilisé une partie des actifs existants au premier décès, comme des liquidités figurant sur des comptes et des livrets ou des liquidités résultant de la vente de certaines lignes de portefeuilles boursiers, etc.
De ce fait, les enfants ont subi une perte en capital puisqu’ils étaient nus-propriétaires de ces actifs : ils avaient été amenés à régler des droits de succession sur ces derniers lors du décès de leur premier parent. En réalité, le conjoint survivant s’est comporté non pas comme un usufruitier mais comme un quasi-usufruitier.
Pendant longtemps, l’administration fiscale n’a pas voulu prendre en compte ce fait de société : elle a refusé la déduction de ces pertes en capital des actifs dépendants de la succession du conjoint survivant.
Cependant, depuis un arrêt de la cour d’appel de Reims du 1er juillet 2013, on peut désormais, dans une telle situation, envisager la déduction des actifs disparus, même en l’absence d’un acte notarié ou sous seing privé enregistré ayant créé un véritable quasi-usufruit. L’administration fiscale semble maintenant admettre cette déduction.
Il y a encore une autre disposition fiscale très souvent méconnue au moment du règlement d’une succession. En effet, lorsqu’une déclaration de succession a été établie et que les différentes déductions possibles ont été éventuellement effectuées, il reste, dans un certain nombre de cas, des droits de succession à régler dans un délai de six mois après le décès.
Cependant, les héritiers ont la possibilité de faire un don par chèque ou virement à une fondation ou à une association reconnue d’utilité publique dans les six mois qui suivent le décès. Ce versement leur permettra de bénéficier, sur le montant des droits de succession, d’un abattement égal au montant du don qu’ils ont effectué.
Ainsi, à titre d’exemple, supposons que les droits de succession à régler s’élèvent à 100 000 euros ; si l’héritier consent un don de 100 000 euros à une fondation, il n’aura aucun droit de succession à payer. En réalité, ce don ne lui aura coûté – dans l’hypothèse où il serait dans la tranche à 45 % – que 55 % de 100 000 euros, c’est-à-dire 55 000 euros.
Bien entendu, globalement, les héritiers vont régler la même somme que s’ils avaient été amenés à régler les droits de succession sans avoir fait de don. Cependant, sur une fraction de ces droits de succession, ils auront la satisfaction d’avoir apporté leur aide à un organisme caritatif de leur choix.
Ces quelques exemples favorables aux contribuables ne font pourtant pas de notre législation fiscale en matière de succession un paradis fiscal. Il existe beaucoup d’autres dispositions fort contraignantes et il ne faut jamais oublier que les prélèvements obligatoires sur le capital en France ont représenté, en 2019, 11,10 % du produit intérieur brut, contre une moyenne dans l’Union européenne de 8,4 %. Le bon sens populaire aurait-il donc raison, et les spécialistes se seraient-ils trompés ?
Le choix du placement qui accueillera des actifs financiers faisant l’objet d’un démembrement est essentiel et la fiscalité n’est pas le seul critère à considérer.
« Pour les parents, laisser un héritage à ses enfants consiste à arbitrer entre consommation personnelle et transmission familiale », estiment Jérôme Bernecoli et Frédéric Poilpré. Dans une chronique du Point publiée le 20 mai, Julien Damon propose de taxer les héritiers plutôt que l’héritage au soutien de la thèse selon laquelle il est économiquement plus avantageux d’hériter que de travailler, oubliant que les Français sont majoritairement contre l’impôt sur la mort.
Aux termes de notre législation fiscale, chaque parent peut donner – en sommes d’argent, biens (meubles, voiture, bijoux, etc.), immeubles, ou valeurs mobilières (actions, parts sociales, etc.) – jusqu’à 100.000 euros par enfant sans qu’il y ait de droits de donation à régler. Ainsi, un couple peut-il transmettre à chacun de ses enfants 200.000 euros exonérés de droits tous les quinze ans.