Article paru dans « le Monde » le 13/09/2018
En France, l’impôt est intelligent. Notre système fiscal français tant décrié — souvent à tort— a une immense qualité : nous avons en matière d’impôt sur le revenu une tradition de fiscalité incitative, offrant de nombreuses possibilités de réductions fiscales et de crédits d’impôt.
La capacité pour les contribuables de dédier leur impôt à un but utile, altruiste ou tout simplement familial, sera-t-elle préservée ? Dans l’immédiat, les crédits d’impôt sont sauvegardés, puisqu’on nous annonce que les contribuables obtiendront, le 15 janvier 2019, le versement anticipé de 60 %du montant des crédits d’impôt auxquels ils ont eu droit en 2018.
Mais le versement de cet acompte n’est pas inscrit dans notre droit fiscal, ce n’est qu’une mesure de
Tout d’abord, on voit mal comment l’administration pourrait verser en janvier d’une année (2019 pour commencer) un acompte calculé sur le montant des crédits d’impôt de l’année antérieure (2018), alors qu’elle ne connaît que les crédits d’impôt de l’avant-dernière année. Ce n’est qu’en mai ou juin 2019 que les contribuables déposeront leur déclaration des revenus de l’année 2018 indiquant leurs dons aux œuvres, leurs emplois familiaux et autres dépenses ouvrant droit à réduction.
Ceux qui auront réalisé davantage de dons ou de dépenses ouvrant droit à
La communication gouvernementale les encourage à dépenser cet acompte afin de soutenir la consommation. Ce serait dépenser une simple avance éventuellement remboursable. Bien des particuliers sont déjà surendettés vis-à-vis des établissements de crédit, ils se retrouveront en outre endettés vis-à-vis de l’Etat. Nombre de contribuables ne seront pas en mesure de rembourser l’acompte : les procédures de recouvrement forcé qu’engageront les percepteurs ne feront rien pour améliorer la popularité du prélèvement à la source.
Jusqu’à présent, les services fiscaux ne contrôlaient qu’une petite proportion des déductions effectuées par les contribuables dans leur déclaration de revenus, de façon généralement aléatoire, par une demande de justification des déductions effectuées.
D’ici à 2020 ou à 2021, un rapport de la Cour des comptes ou du Conseil des prélèvements libératoires exposera les ratés de l’impôt à la source. Ce ne sont pas les problèmes de gestion des prélèvements qui viendront en tête contrairement à ce qu’on craint aujourd’hui (les entreprises sauront vite les gérer, après avoir subi bien des dépenses, bien des ratés et par conséquent bien des pénalités) : ce sont les problèmes de gestion des crédits d’impôt.
Assez vite, des experts expliqueront qu’un système d’impôt à la source n’est pratiquement pas compatible avec une multiplicité de réductions d’impôt sur le revenu (qu’ils appelleront niches fiscales, puisque c’est l’expression qu’emploient les adversaires d’une fiscalité démocratique). Et ils auront techniquement raison, car de fait, les pays qui pratiquent l’impôt à la source sont des pays dans lesquels l’Etat préfère décider seul de l’affectation des impôts, c’est-à-dire des pays qui n’accordent pas ou guère de réductions d’impôt.
Le sujet du prélèvement à la source a fait couler beaucoup d’encre et a soulevé bon nombre…
À partir du 1er janvier 2019, l’impôt sur le revenu sera prélevé chaque mois sur les salaires, pensions, indemnités. zoom sur une réforme compliquée mais plus juste et inéluctable…