Taxer des revenus fictifs, une fausse bonne idée

Publié le 7/12/2016


Article paru dans leMonde le 07/12/2016

Pour pallier la disparition annoncée de l’ISF en cas de victoire de la droite en 2017, quatre économistes de l’OFCE (Observatoire français des conjonctures économiques) proposent dans une note datée du 24 octobre de taxer aux prélèvements sociaux les propriétaires occupants de leur résidence principale sur les loyers implicites, c’est-à-dire ceux qu’ils paieraient s’ils en étaient locataires. En contrepartie, ils pourraient déduire de ces loyers les travaux effectués dans leur logement. Cette idée baroque nous inspire trois remarques.

Primo, cette idée est tout sauf une nouveauté. La taxation des revenus de jouissance a déjà existé. Elle fut supprimée en 1963 par Valéry Giscard d’Estaing, alors Ministre des finances, parce qu’elle coûtait trop cher à l’Etat. Et pour cause, les propriétaires de l’époque s’étaient adaptés. Ils achetaient des logements vétustes et procédaient à des dépenses de réhabilitation dont le coût s’imputait sur le revenu de jouissance, allant jusqu’à provoquer un déficit qui s’imputait sur d’autres revenus.

Secundo, comment rendre taxable aux prélèvements sociaux un montant qui ne correspond à aucun encaissement en terme de trésorerie ? Le cas ne s’est jamais présenté et cela s’apparenterait à une forme de taxation du capital. Or, seuls les revenus sont à ce jour taxés aux prélèvements sociaux, pas le capital. L’idée paraît donc constituer une fragilité sur le plan constitutionnel.

Last but not least, la fiscalité n’est pas une science exacte. Les contribuables s’adaptent aux lois. Si l’on soumettait les revenus de jouissance aux prélèvements sociaux, il faudra nécessairement reconnaitre aux propriétaires le droit de déduire des charges grevant leur logement, ce qui serait une incitation à délaisser les logements neufs au profit de l’ancien à rénover.

Pour éviter de proposer des solutions hasardeuses, les économistes feraient mieux de s’occuper des problématiques économiques et laisser aux juristes le soin de traiter de fiscalité.

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